Quelle nuit sommes-nous? de Hafid Aggoune

"Quelle nuit sommes-nous?" ne se lit pas, il se déchiffre à travers l'histoire à demi-mots d'un jeune-homme qui quitte ses parents à quinze ans pour vivre une solitude idéale, fuyant le jour des hommes pour exister la nuit. C'est le cri d'un adolescent dévoré d'un absolu inaccessible, qui se refuse à vivre la vie de ses proches. Révolte un peu naive, mais sincère et toujours poétique. Samuel Tristan est un adulte qui n'a pas quitté son combat de l'âge où la question du comment vivre se pose avec une nécessité urgente. Il est l'incarnation écrite de tous ces adultes d'aujourd'hui comme d'hier qui oscillent dans une existence sans but, déchirés entre une société qui leur vend un bonheur imparfait, et une sollitude qui les marginalisent. En refusant l'imperfection que lui renvoie l'image de ses parents, le jeune-homme refuse finallement l'humanité dans toutes ses défaillances, et fuit à la recherche d'une société parfaite...

"Ma place n'est ni derrière un bureau, ni derrière une machine qui m'avalerait si je n'allais pas assez vite, ni dans l'uniforme de la haine et de l'aliénation, ni dans un bus à conduire des gens qui me crachent dessus du départ au terminus.

Ma place n'est ni dans la peau de celui qui contrôle, ni dans celle de celui qui dicte, ni dans celle de celui qui fait la pluie et le beau temps, ni dans celle de l'employé qui rêve de remplacer celui qui se tient une place au-dessus de la sienne, ni sur un plateau télé à me faire humilier pour exister comme tous ces anonymes qui n'ont que le poids de l'audimat, du sadomasochisme généralisé."

"Fuguer est le contraire d'un suicide: on part pour vivre, et ce n'est pas une tentative de vivre, mais l'unique essai pour le faire." Samuel Tristan a essayé, et il nous livre son itinéraire à travers de multives destinations, trainant avec lui deux tapis et un sac de toile noir bourré de livres, jusqu'à sa dernière nuit...

A ceux qui ont vu Into The Wild, j'ai trouvé dans Quelle nuit sommes-nous un parallèle très fort: En fuyant les hommes, en refusant d'accepter l'amour trop quotidien que lui offre ses parents, et en refusant d'aimer de peur de faire souffrir, dans une quête pure mais très égoiste aussi, l'homme abdique devant la difficulté de vivre et renonce à assumer les bonheurs inhérents à la responsabilité assumée. Il n'y a pas de bonheur possible en ne vivant que pour soi, il n'y a pas de bonheur possible sans prendre le risque de l'amour. C'est la tragédie de Samuel Tristan...

A vous de le lire !!